NUMÉRO QUATRE/ Classe
Octobre 2019
Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932
Édito
Je pense à ceux qui peuplent la littérature.
J’y cherche une vie d’élégance; n’y trouve que de frivoles exubérances. Si décevants ces voleurs agiles et gentlemen! Si décourageantes ces espiègles comtesses russes! Qui donc, le temps d’un roman ou au moment de naître, de vivre et de mourir, déploiera toute l’envergure de sa classe? Les pages défilent, un goût rance me reste.
Je dois inventer ce personnage idéal.
Il a l’âme poète et l’amitié franche. Parmi les autres il se situe, il tient son cap. Qu’il pleuve, qu’il vente, chaleur écrasante ou neige mourante, il traîne son élégance, indifférente et nonchalante.
Il a le coup d’éclat facile et le génie léger. Sa force est une invitation tranquille, sa conversation un enthousiasme discret.
Derrière lui flâne une ombre, insaisissable et polie, que d’aucuns suivent, intrigués et envieux. D’humble cœur, d’esprit fou et d’amours sereines, partout il resplendit.
Hélas, j’ai beau chercher, la forme ne vient pas…
Sa classe est un tour d’esprit; je cours après une chimère. Parfois je le touche d’un mot mais le suivant s’alourdit. Parfois je saisis son esprit et dès lors son image grossit. Alors je tourne en rond, je donne ma langue et perds mes mots.
Cher personnage, comment tracer tes caractères?